Nous vivons dans un monde fini, mais nous nous comportons comme s’il était inépuisable. Cela, beaucoup d’entre-nous l’ont déjà compris.

Nous avons depuis longtemps ignoré les effets secondaires du progrès technologique et caché les dégâts d’une croissance constante. En seulement 200 ans, la population mondiale est passée de 900 millions à près de 8 milliards de personnes. D’ici 2050, on estime que presque 10 milliards de personnes vivront sur notre Terre mais nous continuons de penser comme il y a 200 ans. La consommation globale, en constante augmentation, est le moteur de la croissance régulière de notre économie. Cela entraîne des impacts environnementaux majeurs et une accélération du changement climatique.

Le Global Risk Report 2020 du Forum économique mondial indique que les cinq risques mondiaux les plus élevés pour les cinq années à venir sont tous environnementaux : événements météorologiques extrêmes induisant de grands dommages matériels et humains, dommages environnementaux et catastrophes causés par l’homme, grande perte de la biodiversité et effondrement des écosystèmes avec des conséquences irréversibles pour l’environnement, catastrophes naturelles majeures telles que les tremblements de terre, tsunamis, éruptions volcaniques et tempêtes géomagnétiques.

Le dilemne

Renoncer à la croissance de notre économie actuelle entraîne un risque d’effondrement économique et social. Maintenir la croissance implique le risque de détruire les écosystèmes mondiaux qui sont notre base d’existence. Nous avons besoin de toute urgence d’une vision claire, d’une politique audacieuse et d’une stratégie véritablement robuste pour trouver une issue au dilemme de la croissance qui n’est que peu pris en compte par les décideurs politiques au pouvoir et n’est que marginalement mentionné dans le débat public.

Il est clair qu’il n’y a pas de réponses simples à cela. Aucune ne pourrait être proposée sans proposer en même temps une transformation de l’ensemble de notre façon de penser, de travailler et d’ordonner nos vies.

Le saviez-vous ?

60 milliards de tonnes de minéraux de constructions, minerais et minéraux industriels, combustibles fossiles et biomasse sont extraits chaque année. En moyenne, une personne utilise 9 tonnes de ressources chaque année, les citoyens des pays dits « développés » en consomment en moyenne 16 tonnes et même presque 40 tonnes pour les Etats-unis ! Une minorité (moins de 20%) de la population mondiale, principalement dans les pays riches, représente actuellement environ 80% de la consommation mondiale totale de ressources alors qu’environ 4,3 milliards de personnes – plus de 60% de la population mondiale – vivent dans une pauvreté abjecte et luttent pour survivre avec moins de l’équivalent de 4 euros par jour.
Les pays riches continuent de consommer plus de ressources et de contribuer davantage à la dégradation de l’environnement que de nombreuses autres régions du monde. Avec la croissance de la population et de la prospérité, en particulier dans les pays en développement, la perspective de niveaux de consommation de ressources beaucoup plus élevés est bien au-delà de ce qui est soutenable pour notre planète.

Le monde manque ou manquera rapidement de sources bon marché et en même temps de qualité de certains matériaux essentiels tels que le pétrole, le cuivre et l’or, dont l’approvisionnement nécessite des volumes toujours croissants de combustibles fossiles et d’eau douce .  

L’illusion du découplage ?

La réaction habituelle au dilemme de la croissance est l’appel au découplage ressource-croissance. Ce découplage est imaginé avec des processus de production plus efficaces. Il s’agit d’améliorer le taux de productivité des ressources (faire plus avec moins) plus rapidement que le taux de croissance économique. Il s’agit également d’accroître l’efficacité des ressources et de promouvoir des modes de vie durables. On parle alors de «biens et services durables», «croissance intelligente», «croissance verte» et «croissance durable». Cet objectif de découplage exige une révision urgente des liens entre l’utilisation des ressources et la prospérité économique pour au moins geler la consommation par habitant dans les pays riches et aider les pays en développement à suivre une approche plus durable.

Mais gare à l’illusion : ce que nous qualifions de découplage n’est que partiellement dû à de véritables gains d’efficacité. Le reste est une combinaison de deux effets qui sont la substitution et le transfert des coûts environnementaux sur les pays pauvres.

Par exemple, pour l’effet de substitution : une énergie solaire sans limites pour alimenter une croissance verte nécessiterait un nombre toujours croissant d’éoliennes, de fermes solaires, de puits géothermiques, de plantations de bioénergie et donc des quantités toujours croissantes de matériaux et de terres.

L’illusion de découplage soutient simplement la croissance du PIB en tant que mesure obsolète du bien-être. Au lieu de cela, nous devrions rattacher les objectifs du progrès humain et d’un environnement sain pour un avenir durable.

Une équation insoluble?

Aujourd’hui, nous sommes donc confrontés à une équation sans réponse évidente : comment satisfaire les besoins de base de bientôt 10 milliards de personnes tout en respectant les limites écologiques de notre planète.

La gravité de la pandémie actuelle nous rappelle l’interconnexion entre sociétés et nature. Pour reconstruire mieux, plus intelligemment une utilisation raisonnée des ressources naturelles est essentielle. La manière dont nous générons de la richesse, dont nous vivons, bougeons et mangeons n’est pas tenable et nous devons passer à un nouveau paradigme d’utilisation des ressources qui soit socialement équitable, économiquement résilient, et respectueux de l’environnement.

Au cours de la prochaine décennie, nous aurons donc besoin de réponses très différentes aux défis environnementaux et climatiques mondiaux que celles que nous avons fournies au cours des 40 dernières années.