Un nouveau record !
La déforestation en Amazonie brésilienne a atteint un nouveau sommet au cours des quatre premiers mois de cette année 2020, avec 1 202 kilomètres carrés de forêt anéantis selon des données publiées vendredi par l’Institut national de recherche spatiale du Brésil (INPE) qui utilise des images satellites pour suivre la destruction. Il s’agit d’une augmentation de 55% par rapport à la même période l’an dernier et le chiffre le plus élevé pour les quatre premiers mois de l’année depuis le début des enregistrements de ces données.
Cela n’a pas attiré beaucoup d’attention d’un monde concentré sur la crise du coronavirus mais cette déforestation fait craindre une répétition de la dévastation record de l’année dernière, ou pire encore.
Une question politique
Les chiffres soulèvent de nouvelles questions sur la façon dont le Brésil protège sa part de la plus grande forêt tropicale du monde sous la présidence de Jair Bolsonaro qui est un sceptique parmi les sceptiques en matière de changement climatique et qui préconise l’ouverture des terres protégées à l’exploitation minière et à l’agriculture. Malheureusement, nous pouvons nous attendre cette année à des incendies et une déforestation record. L’année dernière déjà, au cours de la première année de Bolsonaro au pouvoir, la déforestation a grimpé de 85% en Amazonie brésilienne, pour 10 123 kilomètres carrés de forêts brûlées. Cette perte – presque la taille du Liban – a alimenté l’alerte mondiale sur l’avenir de la forêt tropicale, considérée comme vitale pour freiner le changement climatique.
Cette destruction a été provoquée par des incendies de forêt record qui ont fait rage en Amazonie de mai à octobre, en plus de l’exploitation forestière illégale, de l’exploitation minière et de l’agriculture sur des terres protégées. La tendance à ce jour en 2020 est d’autant plus inquiétante que la haute saison habituelle de déforestation ne commence que fin mai.
Sous Bolsonaro, l’agence environnementale IBAMA a dû faire face à des réductions de personnel et de budget et est fragilisée dans sa lutte contre les incendies qui sont souvent causés par des fermiers illégaux et des éleveurs qui détruisent les arbres à grands renforts de bulldozers et les brûlent ensuite. La mollesse dans l’application des lois signifie que les amendes sont ignorées et que les mauvaises pratiques perdurent. L’année dernière, les incendies en Amazonie ont fait la une des journaux internationaux lorsque la fumée qui en a résulté s’est envolée sur Sao Paulo, bloquant le soleil à la mi-journée. La condamnation généralisée des ONG, des groupes de défense des droits de l’homme, des chefs d’entreprise, des célébrités et des dirigeants politiques européens ainsi que les appels mondiaux au boycott des entreprises et des produits brésiliens ont incité Bolsonaro à mobiliser l’armée pour l’aider à lutter contre les incendies. Pourtant, Bolsonaro a poursuivi avec des politiques et des actions qui augmenteront néanmoins la déforestation et les incendies, affirment les experts.
L’impact du COVID-19
La pandémie de coronavirus ne fait que compliquer les choses en Amazonie. Le Brésil, qui détient plus de 60% de l’Amazonie, est l’épicentre de la pandémie en Amérique latine, avec près de 10 000 décès à ce jour. L’État d’Amazonas, largement couvert de forêts, a été l’un des plus durement touchés. On craint ainsi les effets potentiellement dévastateurs que le virus pourrait avoir sur les communautés autochtones, qui sont historiquement vulnérables aux maladies extérieures et qui auraient donc moins de capacité de protéger leur forêt.
Risque de point de basculement
L’accélération de la déforestation, de la dégradation des forêts et de la sécheresse en Amazonie est une grande préoccupation pour les scientifiques qui avertissent que le biome entier peut être proche d’un point de basculement où de grandes zones de forêt tropicale humide pourraient passer à des forêts tropicales sèches et à la savane. Une telle transition pourrait avoir des conséquences dramatiques sur les précipitations régionales, la zone de convergence inter tropicale pouvant se déplacer vers le nord, conduisant à des conditions plus sèches à travers le grenier à pain de l’Amérique du Sud et les principales zones urbaines. L’impact sur les économies régionales pourrait être substantiel, tandis que l’impact sur la fonction des écosystèmes et la biodiversité de l’Amazonie pourrait être dévastateur. Sur ce vaste territoire, souvent qualifié de poumon de la planète, la vigilance est aujourd’hui de mise.