En pleine crise sanitaire et économique, des pistes concrètes de transformation de notre modèle social et économique sont mises en perspectives, certaines connues et proposées depuis longtemps, d’autres plus récentes, boostées par les événements. Le Président a déclaré le 12 mars que « les prochaines semaines et prochains mois nécessiteront des décisions de rupture ». Alors, chiche !
L’esprit du changement
Nous réalisons tous la folie dans laquelle nous a emporté notre modèle sociétal consumériste porté par l’argent, la compétition et l’individualisme déniant la nature qui nous environne et la martyrisant bien souvent. Nous réalisons également à quel point notre société est fragile et si peu résiliente. Un colosse aux pieds d’argile en quelque sorte.
Pendant la crise financière de 2008, une question fréquemment posée était: « Quand les choses vont-elles redevenir normales? » et les choses étaient redevenus normales, non sans mal. Mais comment le monde d’aujourd’hui sortira-t-il de la crise sanitaire et se remettra-t-il de la récession qui va suivre ? Allons-nous changer de modèle et comment ?
Avant de penser le « comment », il s’agit de nous mettre d’accord sur le « pourquoi ». Pourquoi? : je l’espère, pour vivre dans un monde plus juste, plus égalitaire et plus respectueux de la nature. En ce sens, la notion de simplicité volontaire ou de sobriété heureuse développée par P Rabhi en 2013, qui prône un mode de vie consistant à réduire volontairement sa consommation en vue de mener une vie davantage centrée sur des valeurs définies comme « essentielles » telles que la famille, le bien vivre ensemble, la santé et l’écologie semble une piste intéressante à exploiter. Passer sa vie à accumuler des biens matériels, souvent dans une logique de consommation ostentatoire, posséder toujours plus, nous sentons tous que ça n’a pas de sens.
Comment, quelles pistes ?
La crise que nous vivons n’est pas exclusivement sanitaire. Elle impacte bien d’autres domaines (l’écologie, l’économie, la finance, le commerce, l’agroalimentaire, la géopolitique…). Le nouveau modèle devra donc être considéré dans une approche systémique.
Voici quelques pistes qui prennent en compte les valeurs précitées et qui sont portées par une logique de décélération de nos sociétés.
- Santé : redonner à notre système de santé et de sécurité sociale les ressources (financières et humaines) nécessaires pour assurer la sécurité sanitaire et garantir la dignité à l’ensemble de nos concitoyens, partout sur le territoire. Revaloriser les salaires des personnels soignants et repenser le système formatif des métiers de santé (trop sélectif, trop dissuasif). Repenser un système d’accueil et de soin de nos anciens (la vieillesse ne doit pas générer des profits).
- Services publics : investir dans un maillage territorial (maille communale ou intercommunale) cohérent offrant un accès aux services publics au plus près et de qualité.
- Autonomie alimentaire et industrielle : restructurer le tissu industriel et agricole français (et européen) pour notamment réduire l’étalement des chaînes de valeur ainsi que pour mieux réglementer les méthodes de production et d’échange des biens et des services consommés, notamment dans l’optique de diminuer leurs impacts environnemental et social. Prioriser les circuits courts de la production à la consommation. Subventionner massivement l’agriculture biologique et encourager la reconversion du conventionnel en bio.
- Transport : engager un investissement massif dans le développement de transports durables, mettre en place un « bonus/ malus » transport au bénéfice des circuits courts. Fixer un prix minimum du carburant non indexé sur les baisses éventuelles du prix du baril de pétrole et redistribuer les marges sur des projets écologiques. Rationaliser les déplacements.
- Environnement : Tenir le cap des objectifs de la Stratégie nationale bas carbone. Développer les zones protégées. Limiter la propagation urbaine.
- Energie : réduire notre dépendance énergétique aux énergies fossiles, développer les énergies renouvelables.
- Démocratie : repenser notre modèle pour plus de participation du citoyen, augmenter les dotations pour les collectivités les plus vertes.
- Travail : baisser le temps de travail à 30h ou 32h hebdo. Cette option est déjà en place en Suède (mais pas que : Exemple de Microsoft au Japon). Les gains de productivité liés aux NTIC le permettent largement. Le temps libéré pourra être réengagé dans la famille, le tissu associatif…
Cette liste est loin d’être exhaustive. Les propositions d’actions de sortie de crise commencent à affluer. Parmi elles, les propositions formulées par l’Institut économique pour le climat méritent une attention particulière.
Nous devrons nous méfier de ceux qui parleront de « plan de relance » et qui tenteront ainsi, pour préserver leurs intérêts, de relancer le système tel qu’il était avant. Parlons plutôt de « plan de transformation » ou de « rupture ». C’est une occasion unique de changer effectivement ce système qu’il ne faudra pas gâcher.