Certains croient que la pandémie est une chance unique de repenser notre modèle sociétal et de construire un avenir meilleur. D’autres craignent au contraire que cela ne fasse qu’aggraver les injustices existantes et nous mener au chaos.
C’est comme un rêve (ou plutôt un cauchemar !). Ce que nous vivons tous actuellement, nous l’avons déjà vu auparavant, au cinéma, dans les superproductions hollywoodiennes. Nous savions à quoi cela ressemblait, mais nous appelions cela de la sciences fiction. Les changements qui percutent nos vies sont si radicaux et arrivent si vite que nous sommes comme sidérés. Nous ne sommes plus libres de circuler, de nous divertir, de voir nos proches, de nous serrer dans les bras. Nous perdons notre travail ou travaillons différemment. Aurions-nous seulement imaginé, il y a quelques semaines en arrière que deux mois plus tard, toutes les écoles seraient fermées, que des dizaines de millions de personnes dans le monde seraient sans emploi, que plus de trois milliards de terriens seraient confinés chez eux…
L’ampleur et la vitesse de ce qui se passe donne le vertige. Mais le pire, c’est que nous manquons de perspectives. Dans quel monde vivrons nous dans quelques mois ? Les gouvernements avancent à tâtons, apprennent en marchant et sont incapables de nous indiquer de quoi demain sera fait.
Changer pour mieux ou pour pire
L’histoire nous dit que les crises et les catastrophes ont permis des changements qui amélioraient la vie des gens. L’ épidémie mondiale de grippe de 1918 a par exemple contribué à la création de services de santé dans de nombreux pays européens. La Grande Dépression et la seconde guerre mondiale ont ouvert la voie à des États plus protecteurs de l’individu et l’on commença à parler alors d’Etat providence.
Mais certaines crises peuvent parfois assombrir nos horizons. Après les attentats du 11 septembre 2001, un climat de suspicion généralisé s’est développé et les Etats ont renforcé leurs systèmes de surveillance des citoyens. Ces attentats ont justifié de nouvelles guerres et les occupations « à durée indéterminée » de certains pays (Afghanistan, Irak…)
Des réalités mises à nu
L’ Histoire nous indique que chaque fois qu’une crise percute une société ou une organisation, la réalité fondamentale de cette société ou de cette organisation est mise à nu. Les failles des systèmes en place apparaissent au grand jour (on le voit actuellement pour notre système de santé chancelant ou notre incapacité à produire local). Dans de tels moments, tout ce qui ne tourne pas rond dans nos société est révélé et amplifié. Mais les catastrophes ne font pas que jeter la lumière sur le monde tel qu’il est, elles cassent aussi les normes et laissent entrevoir qu’un autre monde est possible.
Optimiste ou pessimiste ?
Nous pouvons nous centrer sur tout ce qui pourrait mal tourner et ce que nous pourrions perdre ou au contraire nous concentrer sur les bénéfices que nous pourrions tirer de cette crise. Quoi qu’il en soit, la perte et le gain coexistent toujours.
Si l’on est pessimiste, alors on observe qu’une crise aggrave les choses, que les Etats se replient, que les individus se replient, que la xénophobie explose et que tout le monde est à la recherche des boucs émissaires responsables du désordre. Lorsque la peste noire est arrivée en Europe au 14e siècle, les villes se sont fermées aux étrangers et ce fut la chasse aux sorcières. Aux États-Unis, Trump a qualifié le virus d’ «intrinsèquement chinois» et a légitimé la diminution d’accueil des demandeurs d’asile.
Si l’on est optimiste, alors la crise est observée sous un autre angle et le Covid-19 pourrait alors ouvrir la porte au progrès politique. Bien avant que le virus ne frappe, des millions de personnes sont mortes de maladies, ont vécu des vies précaires dans des sociétés pourtant parfois inondées de richesses. Cette crise nous montre le pouvoir des États et l’étendue de ce qu’un gouvernement peut accomplir rapidement lorsque l’urgence est là. Pendant des années, on nous a vanté la loi du marché et nous avons sacrifié la question du « bien public » à notre volonté de réaliser du profit. Mais le virus s’est propagé et les gouvernements dépensent soudain des milliards. Il y a donc un espoir, celui de voir le monde différemment et de réaliser que la logique du marché ne doit pas dominer autant de sphères de l’existence humaine que nous le permettons aujourd’hui.
Covid-19 et crise climatique
Bien que Covid-19 soit probablement la plus grande crise mondiale depuis la seconde guerre mondiale, elle ne doit pas faire oublier la crise liée au changement climatique. Les deux nécessiteront des niveaux inhabituels de coopération mondiale et exigent dés maintenant des changements de comportement au nom de la réduction des souffrances de demain. Les deux problèmes ont longtemps été prédits avec une grande certitude par les scientifiques et ont été négligés par les gouvernements incapables de voir au-delà des statistiques de croissance du prochain trimestre fiscal. Les deux exigeront des gouvernements qu’ils prennent des mesures drastiques et bannissent la logique du marché de certains domaines de l’activité humaine. Le défi consiste donc à maintenir le mode d’urgence activé pour le coronavirus aux questions liées au réchauffement climatique et lutter contre ceux qui voudraient nous faire «revenir à la normale», parce que ce que nous vivons depuis des années, et encore plus en ce moment, ça n’est pas normal. Dans sa déclaration du 12 mars, E. Macron avait appelé à « interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde et qui dévoile ses failles au grand jour ». Pour sûr, nous allons l’interroger ! Des pistes sérieuses sont d’ores et déjà avancées pour changer de paradigme (cf. par exemple les 39 idées de rupture présentées le 27 mars par Matthieu Orphelin). Préparons, tous ensemble, le jour d’après et œuvrons chacun à notre échelle pour participer à l’élaboration puis la réalisation d’un grand plan de transformation de notre pays.